S’il y a bien un papier qui caractérise Noël et plus généralement l’esprit de fête, c’est le papier de soie. Il est léger, coloré, au plus près de l’objet, souvent premium ou luxueux, il se froisse avec élégance tout en restant…soyeux ! Pap’Argus s’est rendu dans la Drôme provençale chez Papeteries de Montségur qui en est l’un des fabricants leaders en Europe.
Le dirigeant de Papeteries de Montségur, Rémi Danglade, est bien connu du landerneau papetier. Il n’est pas seulement aussi haut en couleurs que ses productions, avec sa voix profonde, son sens de la formule et son soin vestimentaire, il est aussi l’archétype d’une reconversion réussie. Pour les plus anciens, même si ce n’est pas si vieux que cela, Rémi Danglade est le Danglade de Larsen et Danglade, agent papetier, créé en 1912 qu’il avait repris en 1985 suite à la mort brutale et inattendue de son père. Une « petite » affaire qui tournait à 100 000 tonnes de pâtes et papiers par an avec un plus haut à 250 000 tonnes ! Et justement c’est ce déclin et la modification des systèmes de distribution qui le pousse à réfléchir à l’orée des années 2000 à l’évolution de son activité. En observant et analysant le marché, il découvre le monde de l’emballage de luxe et son potentiel : un univers plus européen que mondial et qui se développe. Exit Larsen et Danglade et Paris, bienvenue dans la Drôme provençale plus connue pour son nougat que son activité papetière. Erreur, au fond de la vallée de Lauzon, se cachent les Papeteries de Montségur, un peu dans leur jus mais immédiatement attachantes. Montségur, créée en 1840, dispose d’un véritable savoir-faire mais ronronne sur son marché de niche qu’est le papier de soie pour les fleuristes. Certes c’est une petite société, elle produit en un an ce que Rémi Danglade vendait en un jour à la grande époque, mais il y entrevoit un vrai avenir. Il ne s’est pas trompé et en 2020, l’entreprise qui emploie une trentaines de personnes réalise 4 millions d’euros de CA. « Nous sommes entreprise du Patrimoine vivant », aime-t-il rappeler. « Mais nous ne nous sommes pas reposés sur nos lauriers. Nous multiplions la R&D matière en apportant de nouvelles qualités à notre papier, qui peut désormais être ignifuge, métallisé, odorant, mais nous proposons aussi des innovations produits avec les cheveux d’ange réalisés à partir de nos chutes – le meilleur recyclage qui soit n’est-il pas la réutilisation !- qui font des calages transports valant les meilleures enveloppes bulle, et surtout nous pouvons personnaliser toutes nos livraisons en imprimant à façon dans nos ateliers sur notre presse flexo, du simili-filigrane imprimé en blanc sur blanc par exemple aux motifs les plus complexes pour certaines opération spéciales de grandes marques du luxe ». Lors de notre visite on a vu de bien jolis noms de l’avenue Montaigne à Paris, par exemple, sur les machines mais on les taira pour respecter leur discrétion légendaire.
Au-delà de ces efforts techniques et marketing, un respect maximal de l’environnement est également au menu de la papeterie. Il faut dire que là où elle est située au milieu des champs de lavande et des chênes truffiers – dans le pays de la truffe dont même si Carpentras n’est qu’à 40 km Montségur revendique d’être une capitale historique, pas question de polluer une rivière ou une nappe phréatique sous peine de prendre un coup de fusil, le local pouvant en effet être susceptible. La pâte à papier qui y est utilisée est issue de fibres de cellulose de bois, plus longues que les fibres recyclées et provient de forêts gérées durablement (PEFC et FSC), pour obtenir un papier fin de grande qualité teinté dans la masse. La MAP, même si elle a été modernisée, date de plus d’un siècle. Côté tradition, Montségur est donc au top. Et quand on parle de papier fin, il faut savoir que le grammage d’une feuille peut varier de 13 à 30g/m2. Le papier sort bien entendu en bobines de la MAP et peut ainsi être imprimé avant d’être ennobli et découpé au format.
Pour en revenir au développement de l’entreprise, qui fait partie du Global Compact, Rémi Danglade se démultiplie il conserve son marché des fleuristes mais devient partenaire de grandes marques du luxe. Il est assez précurseur en proposant de la qualité, maître-mot de cet univers, de la réactivité et de la souplesse pour faire face à des concurrents extrême-orientaux, enfin de la créativité, on l’a vu plus haut, qui s’appuie sur les sens, le toucher avec cet inimitable sensation de froissé, l’ouïe avec le léger crissement du papier et même l’odorat avec le Papidol « qui sent toujours huit ans plus tard ! ». Et surtout il n’a pas de distributeurs mais seulement des clients (y compris des grossistes partenaires comme les grands que sont Raja, Clayrton’s, Retif ou Renaud). Un circuit court, si l’on osait. S’il regrette que le papier hydrofuge soit trop cher à produire pour conquérir des parts de marché, il se réjouit de certaines utilisations spectaculaires de ses papiers de soie qui ont servi à des décors d’opéra, à faire de la neige dans d’autres spectacles et même des confettis pour des événements sportifs et pas n’importe lesquels puisqu’il s’est agi de matches du Barça ou du Bayern de Munich, excusez du peu. Bref, il n’y a plus qu’à inventer et Montségur se pliera en quatre pour le réaliser.
Laissons-lui le mot de la fin. Rémi Danglade aime bien résumer son entreprise avec cette formule qu’il est bien sûr le seul à pouvoir énoncer avec verve et truculence : « Montségur est au monde papetier ce qu’est la fourmi au monde animal, petit, léger mais super costaud ». On ne sait plus d’ailleurs s’il parle de l’entreprise ou du papier de soie.
JP