"Le Parisien Magazine" N° 22775 (Pages 64-67) Vendredi 24 au jeudi 30 novembre 2017 (Par VanessaZocchetti)
Ce papier nous emballe !
Dans un petit village de la Drôme, les Papeteries de Montségur fabriquent un papier de soie haut de gamme. Portée par son succès dans le secteur du luxe, la manufacture créée en 1840 vend ses produits d’exception dans le monde entier.
Toutes les bobines passent dans la machine à découper, le papier de soie étant vendu en feuilles.
L’histoire des Papeteries de Montségur® n’a rien d’ordinaire. Cette petite manufacture nichée à la sortie du village de Montségur-sur-Lauzon, dans la Drôme, entre vignes et champs de lavande, au bord du Lez, a vu le jour en 1840. Elle fut longtemps connue par les habitants de la région pour sa production de papier toilette, certes velouté et résistant mais peu glamour. C’est dans les années 1960 qu’elle réoriente sa production vers le papier de soie à la demande d’un fleuriste parisien. Et s’impose vite grâce à des produits particulièrement solides adaptés à cette profession. Devenue, au fil du temps, une référence mondiale de ces délicates feuilles colorées, elle développe une gamme de nuances extraordinaire, atteignant aujourd’hui 450 teintes.
Des spécificités qui ont attiré l’attention des entreprises du luxe, comme Dior ou Bulgari, désormais clientes de la papeterie. Le secret de ce changement de cap réussi? La préservation d’un patrimoine associée à une innovation constante.
Si les Papeteries de Montségur sont connues pour leurs papiers unis, elles impriment aussi logos et motifs.
Une machine datant de 1910
Le processus de fabrication demeure ainsi proche de celui du XIXe siècle. Il débute avec la teinture dans la masse de la pâte à papier. Cette dernière, provenant essentiellement de France, est constituée de fibres de bois pressées, courtes ou longues, qui vont jouer sur la structure mais aussi sur la douceur du papier de soie final. Cette pâte arrive sèche, elle est placée dans un pulpeur, grand bassin équipé d’hélices où elle est mélangée à l’eau du Lez voisin – eau qui sera rendue à la rivière en fin de processus, aussi propre que lorsqu’elle a été puisée, assurent les équipes. Puis, selon des recettes détaillées sur des fiches pratiques, on ajoute des quantités précises de pigments pour obtenir les couleurs souhaitées.
Sous l’effet de ce « mixeur » géant, on obtient une préparation qui va, suivant un complexe circuit de tuyauteries, passer de cuve en cuve, être agitée, brassée, pour arriver parfaitement homogène, débarrassée des fibres inutiles, dans la machine à papier, pièce maîtresse du lieu. Construite en 1910, elle fait la fierté de la maison. Elle est constituée de plusieurs mécanismes qui assurent la transformation du mélange liquide en papier de soie. Ce dernier voyage d’abord sur un tapis roulant pour évacuer une partie de l’eau. Puis des aspirateurs entrent en action, permettant de passer de 99,50 % d’eau à 70 %. Le circuit se poursuit, fait de presses, de tamis et de cylindres chauffés à différentes températures pour atteindre l’assèchement total. Il faut ainsi trois heures pour obtenir une pièce mère d’environ 17 kilo- mètres de long sur 2 mètres de large, qui sera débitée en trois rouleaux : deux de 75 centimètres de largeur et un de 50 centimètres.
Ainsi présentés, les papiers peuvent aisément être stockés en attendant d’être imprimés, découpés et envoyés aux commanditaires. Rangés dans un hangar, ils forment de hautes colonnes colorées dessinant un paysage étonnant.
Le pulpeur, sorte de mixeur, permet de fabriquer la pâte colorée, qui deviendra le papier de soie.
La bobine mère obtenue est débitée en petits rouleaux qui pourront passer dans la machine à découper.
Construite en 1910, la machine à papier transforme la pâte liquide en papier de soie.
Après plusieurs étapes, exigeant une grande attention, le papier sort en une bobine de 17 kilomètres de long.
La fabrication
respecte l’environnement
Si, entre ces murs, la magie est au rendez-vous, les Papeteries de Montségur ne doivent pas leur succès à un tour de passe-passe. Elles ont su s’imposer comme une référence, en France et dans les 50 autres pays où elle exporte, en misant sur une qua- lité hors du commun. Les papiers ne dégorgent pas, sont non abrasifs, non corrosifs, biodégradables et recyclables, et sont fabriqués dans le respect de l’environnement. Elle a aussi développé des services sur mesure très appréciés. C’est ainsi que l’atelier d’impression, où ronronnent quatre machines dernier cri, détonne avec l’esprit un brin rétro qui règne dans les autres espaces. Elles permettent de personnaliser les papiers blancs ou de couleur avec des logos, des dessins, des messages.
Les bobines griffées ou unies, qui peuvent aussi être ignifugées ou par- fumées selon les demandes, passent enfin à la découpe pour finir en feuilles. Car c’est uniquement sous cette forme que sont commercialisés les 65 millions de mètres carrés de papier de soie produits chaque année par les 35 salariés des Papeteries de Montségur. Ces feuilles sont rassemblées en paquets et joliment emballées dans du kraft. Une touche finale essentielle, car les colis, qu’ils partent chez un couturier, un joaillier, un parfumeur d’exception ou un fleuriste, doivent être irréprochables. Pour rester encore long- temps dans les petits papiers des grandes maisons...
La manufacture mise sur une qualité hors du commun.
Ses papiers de soie ne dégorgent pas, ils ne sont ni abrasifs ni corrosifs.
Les papiers de soie sont prisés par les entreprises du luxe.
La manufacture puise son eau dans le Lez, où elle la rejette propre ensuite.
Les Papeteries de Montségur revendiquent une palette de 450 coloris.